AUCUN RISQUE POUR LA SANTE ! Vraiment ?

Bonjour,

nous avons lu à la fois sur des panneaux de Limoges Métropole et dans un compte rendu de réunion publique des affirmations très claires : « l’incinérateur ne présente aucun risque pour la santé ». Une affirmation reprise en grosses lettres (« NON ») sur vos panneaux.Les études dans un passé récent (avec certes d’autres normes) montrent une hausse de certains cancers (notamment cancer du sein…) pour les riverains.Certes les normes ont évolué, mais encore aujourd’hui les experts sanitaires sont bien plus prudents que vos affirmations. Les normes évoluent encore très régulièrement, incorporant de nouveaux polluants à filtrer ou de nouvelles techniques de filtration.

D’où nos questions :

– Quelles études pouvez-vous citer pour affirmer aussi catégoriquement qu’il n’y aujourd’hui « aucun risque pour la santé » ?

– Pouvez-vous affirmer qu’un incinérateur ne présentera aucun risque pour la santé des riverains, que ce soit aujourd’hui ou dans le futur ?

– Pouvez-vous nous citer des études confirmant qu’il n’y a aucun risque à une exposition de longue durée aux retombées des fumées d’un incinérateur ?

– Puisqu’il n’y a « aucun risque pour la santé », pouvez-vous enfin confirmer que les effets cocktails des polluants émis ne présentent aucun danger ? Pouvez-vous nous apporter la preuve que les substances qualifiées de sans danger pour l’homme individuellement, ne peuvent pas devenir nocives lorsqu’elles sont mélangées ?

Merci pour vos retours.

Cordialement,

Emmanuel Rouxel

 

Bonjour,

Merci pour votre question. 

Il convient tout d’abord de signaler que la réglementation sur l’incinération a significativement évolué ces dernières décennies avec une réglementation qui n’a cessé de se renforcer pour tenir compte notamment de l’évolution des connaissances scientifiques et des améliorations survenues sur l’analyse des polluants. Ainsi, le travail d’inventaire du CITEPA [Centre Interprofessionnel Technique d’Études de la Pollution Atmosphérique, en charge de l’inventaire national annuel des émissions de GES et de polluants atmosphériques depuis plus de 20 ans], conclue à une diminution très significative entre 1990 et 2021 des 10 activités industrielles incluant l’incinération des déchets : -97,1% pour les émissions de particules et -99,9% pour les dioxines.

Un atelier spécifique sur les impacts sanitaires a eu lieu le 22 octobre dernier à Panazol. Vous retrouverez les présentations et le compte-rendu associé sur le site de la concertation. Marine Saint-Denis, Docteur en Écotoxicologie, a présenté des éléments sur des études toxicologiques liés aux enjeux sanitaires des sites de traitement des déchets. Les résultats de la bibliographie des études scientifiques suivantes ont été présentés lors de cet atelier : 

  • expositionExposition de la population moyenne française aux dioxines furannes : données issues de l’étude AFSSA/ANSES 1999 – 2005- 2010,
  • Imprégnation de la population moyenne française aux dioxines furannes : données de l’étude nationale AFSSA/INVS/Santé publique France de 2009 et  de l’étude ESTEBAN de Santé Publique France de 2021,
  • Étude épidémiologique de l’incidence des cancers AFSSA/INVS de 2009,
  • Étude d’imprégnation par les dioxines-furanes des populations vivant à proximité des incinérateurs AFSSA/INVS 2009.

En complément, le Comité de la prévention et de la précaution (CPP) est un organisme scientifique placé auprès du ministère de la transition écologique, composé de 3 médecins et de 15 spécialistes des problèmes de santé liés à l’environnement. Dans un avis rendu fin 2004, il a estimé qu’une usine d’incinération conforme aux normes européennes de 2000 présente un risque de cancer nul ou négligeable pour les personnes qui résident à proximité. Il s’est fondé sur les hypothèses de calcul utilisées et par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et par l’Agence américaine de protection de l’environnement.

Une des spécificités du contrôle incombant aux unités de valorisation énergétique réside également dans la réalisation d’un plan de surveillance annuel autour du site où toutes les émissions et les molécules présentes sont mesurées. Cela permet d’inclure notamment toutes les sources d’émissions de dioxines et de métaux à proximité et donc d’inclure en quelque sorte le mélange de tous les « contributeurs ». Les mesures associées au plan de surveillance de la Centrale énergie déchets de Limoges Métropole (CEDLM) font apparaître des données basses et constantes systématiquement inférieures aux seuils de la réglementation. 

ATMO Nouvelle-Aquitaine qui réalise le suivi de la qualité de l’air sur le territoire a des outils permettant d’agréger l’ensemble des données issues des mesures pour modéliser le territoire et obtenir une vision globale (cela inclut tous les secteurs d’activité, par exemple sur les dioxines furanes, cela ne concerne pas que l’incinérateur et cela inclue notamment le trafic routier). A titre d’information, la station à proximité de la CEDLM pilotée par Atmo Nouvelle Aquitaine et mesurant en continu les particules fines démontre que les valeurs sont inférieures aux objectifs de qualité et aux seuils limites. 

L’évaluation des risques sanitaires prend également en compte les polluants émis par l’installation conformément à la réglementation et aux guides méthodologiques en vigueur au moment du dépôt du dossier de demande d’autorisation. Cette étude comprend une modélisation prédictive de la dispersion des fumées traitées et un calcul de risque est réalisé pour chaque molécule individuellement et par cumul pour l’ensemble des molécules agissant sur un même organe (se rapprochant de la notion de mélange évoqué dans la question). Ces évaluations des risques sanitaires intègrent des scénarios d’ingestion de produits (voir de terre) et d’inhalation de l’air par des habitants sur des périodes de 70 ans en considérant les rejets aux valeurs réglementaires maximisant les résultats. Les résultats de ces simulations complexes doivent bien évidement respecter tous les seuils de recommandation de l’OMS pour garantir la protection de la santé des usagers.

Les seuils et les contrôles réglementaires qui sont exigés par l’Union européenne, et que la France respecte, sont les plus exigeants actuellement en matière d’émissions et de contrôles au niveau mondial. Dans le cadre de l’amélioration continue et du principe de précaution, l’arrêté du 12 janvier 2021, relatif aux meilleures techniques disponibles applicables aux installations d’incinération de déchets, intègre de nouvelles mesures à mettre en œuvre au plus tard en décembre 2023 concernant :

  • Les dioxines bromés et les furannes bromés (PBDD/PBDF – Polybromodibenzo-p-dioxines/furannes) une fois par semestre,
  • Les PCB (polychlorobiphényles) de type dioxines tous les mois, puis tous les 6 mois puis tous les 2 ans suivant résultat,
  • Le Benzo(a)pyrène une fois par an.

A titre d’information, ces mesures sont d’ores et déjà réalisées sur la CEDLM depuis le 2nd semestre 2020 et semblent démontrer que les niveaux d’émissions sont stables au sens de la définition réglementaire pour les PCB.

Dans le cadre du projet, la combustion à plus de 850 °C pendant plus de 3 secondes serait associée à un traitement de fumées en 3 étapes et incluant une double filtration dans le cadre de la recherche de l’excellence technologique.  Cette technologie plus récentes et toujours plus performantes permettant de respecter une réglementation plus stricte sur la qualité des rejets. Ainsi, les niveaux des valeurs limites d’émission des polluants en sortie de cheminée seraient abaissés aux niveaux des valeurs les plus basses des recommandations européennes. 

Si des études nationales concernant de nouvelles méthodologies analytiques étaient lancées sur d’autres paramètres, l’Entente pourrait se porter volontaire pour tester ces nouvelles méthodes de mesure…