Madame,
Monsieur,

dans le cadre de la concertation publique menée par Limoges Métropole au sujet du nouvel incinérateur, nous souhaitons apporter notre contribution.

* Publicité consultation

Nous nous permettons tout d’abord une remarque concernant ladite consultation dont nous avons appris l’existence tout à fait par hasard, plusieurs jours après son lancement. En effet, bien qu’il y ait de la communication à ce sujet, jamais il n’est évoqué clairement qu’il s’agit du choix d’implantation de l’incinérateur. Est toujours mis en avant “l’avenir de nos déchets”, ou “la création d’une unité de valorisation énergétique” – ou UVE – ainsi que le “nouveau réseau de chaleur”. Si tout est bien entendu juste, il est évident que ces termes ne sont pas concernants pour le grand public. La communication n’a pas vraiment d’impact sur le grand public.
D’ailleurs notre expérience montre que, et cela nous surprend particulièrement, les habitants sont très peu au courant de cette concertation. Ces mots issus du langage bureaucratique ne parlent à personne. On ne met jamais en avant la construction d’un nouvel incinérateur (puisque c’est pourtant de cela dont il s’agit). Il est d’ailleurs significatif que lors des réunions publiques chacun (officiels comme public) utilise le mot “incinérateur” de manière spontanée.
Pourquoi ne pas avoir orienté la consultation avec des mots simples, impactants pour toucher le plus grand nombre ? Afin d’avoir une consultation la plus large possible.
En tant que riverains, nous avons donc pris l’initiative d’informer nos voisins par quelques centaines de tracts dans les boîtes aux lettres (lotissement des Ribières, etc.). Beaucoup nous ont appelé pour nous faire part de leur étonnement de n’avoir pas été informés autrement, alors que la consultation s’arrêtait un peu plus d’une semaine après.
En outre, nous nous étonnons qu’aucune affiche ou annonce ne soit faite dans les secteurs les plus concernés par l’étude, que ce soit le quartier actuellement proche ou les secteurs touchés par les différents scénarios. De même, la mairie du Palais-sur-Vienne n’a absolument pas communiqué : rien dans le magazine municipal, rien sur les panneaux lumineux ni sur Internet ou sa page Facebook.

* Questions/réponses

Nous nous étonnons par ailleurs de l’impartialité de l’espace réservé aux questions/réponses sur le site Internet de la consultation. En effet, nous avons posté deux questions (bien entendu conformes à la charte dans la forme) en date du 11 octobre. Nous avons bien reçu l’accusé de réception, mais elles n’ont pas été publiées sur le site et aucune réponse n’a donc été apportée avant la fin de la consultation, alors que d’autres ont eu des réponses dans l’intervalle. Curieusement ces deux questions visaient les risques sanitaires…
Nous doutons donc de l’impartialité de cet espace de questions/réponses tant vanté lors des réunions publiques. Qui opère le tri des questions ? Pourquoi ces questions sanitaires sont-elles éludées tant que le public peut s’exprimer, à savoir avant le 21 octobre ?

* Communication, propagande

Nous avons lu à la fois sur des panneaux de Limoges Métropole exposés lors de rendez-vous publics ainsi que dans un compte rendu de réunion publique des affirmations très claires : « l’incinérateur ne présente aucun risque pour la santé ». Une affirmation reprise en grosses lettres (« NON ») sur des affiches.
Les études dans un passé récent (avec certes d’autres normes) montrent pourtant une hausse de certains cancers (notamment cancer du sein…) pour les riverains. Certes les normes ont évolué, mais encore aujourd’hui les experts sanitaires sont bien plus prudents que ces affirmations propagées à grand renfort de communication. Les normes évoluent encore très régulièrement, incorporant de nouveaux polluants à filtrer ou de nouvelles techniques de filtration.
Nous nous interrogeons donc sur la pertinence d’une telle propagande quand la prudence devrait être de rigueur. Dans quelle mesure ces panneaux, affichés dans les lieux mêmes où le public est invité à s’exprimer, influencent-ils l’expression dudit public ? La question mérite d’être posée.

* Risques sanitaires non évalués

Nous sommes plusieurs riverains du secteur d’Anguernaud, des Ribières… à nous inquiéter de cette implantation, qu’elle soit d’ailleurs à Anguernaud ou sur l’emplacement actuel, à Beaubreuil. En effet, les modélisations du panache de fumée nous prouvent qu’habiter à 200 m ou 1 km est sensiblement la même chose.
Nous avons questionné les représentants de Limoges Métropole qui se montrent très affirmatifs sur l’absence de risques sanitaires, là où pourtant les experts (y compris ceux cités par l’agglomération) appellent à la prudence.
Nous avons participé à plusieurs réunions publiques, posé des questions… mais jamais obtenu de réponses à nos interrogations sur les risques sanitaires, d’autant que les études actuelles sont prudentes sur la question.

Voici quelques questions que nous avons soulevé auprès de Limoges Métropole, qui affirme noir sur blanc qu’il n’y a “aucun risque pour la santé”; questions que nous reposons dans cette consultation puisqu’elles n’ont eu aucune réponse :

– Quelles études pouvez-vous citer pour affirmer aussi catégoriquement qu’il n’y aujourd’hui « aucun risque pour la santé » ?

– Pouvez-vous affirmer qu’un incinérateur ne présentera aucun risque pour la santé des riverains, que ce soit aujourd’hui ou dans le futur ?

– Pouvez-vous nous citer des études confirmant qu’il n’y a aucun risque à une exposition de longue durée aux retombées des fumées d’un incinérateur ?

– Puisqu’il n’y a selon vous « aucun risque pour la santé », pouvez-vous enfin confirmer que les effets cocktails des polluants émis ne présentent aucun danger ? Pouvez-vous nous apporter la preuve que les substances qualifiées de sans danger pour l’homme individuellement, ne peuvent pas devenir nocives lorsqu’elles sont mélangées ?

– Seules quelques molécules sont actuellement surveillées et filtrées, sur les 2 000 environ rejetées par les cheminées. Pouvez-vous confirmer qu’il n’y a et n’y aura jamais aucun danger à respirer les centaines de molécules qui ne font l’objet d’aucune surveillance aujourd’hui ?

Comme l’ont expliqué les experts de la Dreal (représentants de l’Etat) lors d’une réunion publique, les normes évoluent “tous les 5 à 6 ans”, pour fixer chaque fois de nouveaux seuils de filtration, imposer la filtration de nouvelles molécules, etc. Fort de cela, pourquoi ne pas appliquer le principe de précaution qui devrait nous faire admettre humblement que l’on ne sait rien en réalité des risques sanitaires actuels et futurs, et que, par conséquent, il vaut mieux éloigner le plus possible le futur incinérateur des habitations.

* Pollution passée sous silence

Le hasard a voulu que nous passions devant l’incinérateur le 7 octobre dernier, dans la soirée, remarquant une épaisse fumée noire, caractéristique d’une pollution.
Nous avons interrogé Limoges Métropole à ce sujet, et la réponse faite lors d’une réunion publique a été la suivante : “La couleur de la fumée dépend de la couleur du ciel.” (M. Jarry)
Le lendemain, un article de France 3 au sujet de cet incident nous en apprenait davantage : il s’agissait d’un redémarrage de l’incinérateur, lié à une intervention en interne ; un épisode qui n’a donné lieu à aucune communication de Limoges Métropole, en dehors de la sollicitation par la presse. Le représentant de l’usine assurait qu’il n’y avait eu aucune pollution, qu’il n’y avait aucun risque pour la santé. Plus loin, pourtant, il explique que les “fumées noires retombent tout de suite au pied du bâtiment”.
Il s’agirait donc d’une pollution… mais qui serait concentrée au pied de l’usine. Les images montrent pourtant un panache plus large. De même, les normes au cours de redémarrage et incident dans l’usine autorisent à dépasser certains seuils normalement plus bas. La pollution est donc possible et réelle. Pourquoi ne pas en informer la population ? Pourquoi également maintenir une telle installation proche des habitations alors qu’il y a clairement des épisodes plus polluants que d’autres ?
En outre, peut-on savoir ce qui a été relâché dans l’air ce soir-là ? Ce qui est relâché lors de tels incidents ? Comment prouver qu’il n’y a aucun risque pour la santé des riverains ?
Enfin, ces événements polluants se produisent-ils régulièrement ? Si oui, à quelle fréquence ?

* Réseau chaleur

La concertation porte à la fois sur le futur incinérateur ET le nouveau réseau de chaleur. Nous nous étonnons de voir les deux sujets liés dans une même concertation publique. Même si le second peut dépendre du premier, les dossiers ne devraient pas être abordés de façon aussi étroitement liée.
En effet, l’envie de créer un nouveau réseau de chaleur, économiquement viable, en limitant les coûts et l’acheminement de la chaleur, impacte nécessairement le choix de l’emplacement du futur incinérateur, en faisant un des principaux arguments.
Or cet aspect ne devrait pas être aussi prioritaire, les questions ne devraient pas être liées à ce point. C’est notamment ce qu’a rappelé une des garantes de la CNDP interpellée à ce sujet lors d’une réunion publique.
Il nous semble nécessaire de dissocier les sujets dans les critères de choix.

* Dimensionnement

Nous sommes également en questionnement par rapport à la capacité du futur équipement. Il semble dimensionné assez largement, ne tenant pas vraiment compte d’une importante baisse des déchets souhaitable et souhaitée par une majorité. Le futur outil présenté n’est-il pas trop gros ? Ne sera-t-il pas trop gros ?
Est souvent cité en exemple (pour son intégration…) l’incinérateur géant de Copenhague. Or cette énorme usine se trouve aujourd’hui confrontée à un problème de taille : le manque de déchets pour tourner à un régime adapté à son dimensionnement, pour faire fonctionner son réseau de chaleur, etc. Résultat, les Danois n’ont d’autre choix que d’acheter et d’importer des déchets… depuis le Royaume-Uni. Un non sens écologique, économique où les déchets deviennent un véritable objet commercial.

Cordialement,

Emmanuel Rouxel

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