Un incinérateur est considéré comme une ICPE, c’est donc une installation qui présente à ce titre un haut niveau de suivi environnemental et de sécurité, aussi j’aurais aimé connaitre les effets à long terme de l’exposition aux différents rejets sur la santé et sur l’environnement des populations vivant autour de cette installation.
Pouvez-vous fournir une bibliographie des études scientifiques permettant de connaitre les effets d’une exposition de longue durée à des rejets d’incinérateur?
Quelles sont les études qui montrent les effets indésirables des rejets des incinérateurs?
Pourquoi l’arrêté de 2002, ne réglemente qu’une vingtaine de polluants sur plus de 2000 molécules rejetées? N’ya-t-il pas eu d’avancées scientifiques en 20 ans portant sur l’exposition aux autres molécules?
Quelles sont les études qui s’intéressent aux effets des mélanges de molécules toxiques?
Quelle est l’influence des mâchefers diffusés sur tout le territoire en sous-couche routière sur l’environnement et la santé? Quelles sont les études qui permettent de suivre ces données?

 

Bonjour,   

Merci pour votre question.

Les incinérateurs et les unités de valorisation énergétique sont effectivement des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), au même titre que les déchèteries, les centres de tri ou les quais de transfert.

Il convient de signaler que la réglementation sur les déchets a significativement évolué ces dernières décennies avec une réglementation qui n’a cessé de se renforcer pour tenir compte notamment de l’évolution des connaissances scientifiques et des améliorations survenues sur l’analyse des polluants. Ainsi, le travail d’inventaire du CITEPA [Centre Interprofessionnel Technique d’Études de la Pollution Atmosphérique, en charge de l’inventaire national annuel des émissions de GES et de polluants atmosphériques depuis plus de 20 ans], conclue à une diminution très significative par exemple des émissions de particules de -97,1 % et des dioxines de – 99,9% entre 1990 et 2021 des 10 activités industrielles incluant l’incinération des déchets.

A titre d’information, les paramètres suivants sont analysés en sortie de cheminée :

Analyse 24h/24, 7 jours sur 7 Analyse semestrielle (6 heures)
Réglementation de 2002 Monoxyde de carbone – CO

Acide chlorhydrique – HCL

Dixoxyde de souffre – SO2

Oxydes d’azote NO et NO2

Composés organique totaux COT

Poussières

NH3

Dioxines furannes chlorés (17 congénères analysées en semi-continu)

Monoxyde de carbone – CO

Acide chlorhydrique – HCL

Dixoxyde de souffre – SO2

Oxydes d’azote NO et NO2

Composés organique totaux COT

Poussières

NH3

Dioxines furannes chlorés (17 congénères analysées en semi-continu)

Protoxyde d’azote – N20

Acide Fluorhydrique – HF

14 métaux [Arsenic – Cadmium- Cobalt – Chrome –Cuivre –Manganèse –Nickel – Plomb – Antimoine –Sélenium – Etain –Tellure –Thallium -Vanadium – Zinc]

Réglementation de 2021 avec application au plus tard au 19/12/2023 Mercure Hg (déjà en place à la CEDLM) Dioxines furannes bromés (13 congénères – déjà analysés à la CEDLM)

Polychlorobiphényles de type dioxines (PCB) (12 congénères – déjà analysés à la CEDLM)

HAP’s (8 congénères – déjà analysés à la CEDLM)

Ce ne sont pas 20 molécules qui sont analysées sur l’actuelle centrale énergie déchets de Limoges Métropole (CEDLM) mais bien 76 molécules, dont certains paramètres, comme les poussières ou les dioxines-furannes chlorés sont considérés comme des paramètres traceurs des autres molécules.

Une des spécificités du contrôle des unités de valorisation énergétique réside également dans la réalisation d’un plan de surveillance annuel autour du site où toutes les émissions et les molécules présentes sont mesurées. Cela permet d’inclure toutes les sources d’émissions de dioxines et de métaux à proximité et donc d’inclure en quelque sorte le mélange de tous les « contributeurs ». Les mesures associées au plan de surveillance de la CEDLM font apparaître des données basses et constantes systématiquement inférieures aux seuils de la réglementation. 

ATMO Nouvelle-Aquitaine qui réalise le suivi de la qualité de l’air sur le territoire a des outils permettant d’agréger l’ensemble des données issues des mesures pour modéliser le territoire et obtenir une vision globale (cela inclut tous les secteurs d’activité, par exemple sur les dioxines furanes, cela ne concerne pas que l’incinérateur et cela inclue notamment le trafic routier). A titre d’information, la station à proximité de la CEDLM pilotée par Atmo Nouvelle Aquitaine et mesurant en continu les particules fines démontre que les valeurs sont inférieures aux objectifs de qualité et aux seuils limites. 

Un atelier spécifique sur les impacts sanitaires a eu lieu le 22 octobre dernier à Panazol. Vous retrouverez les présentations et le compte-rendu associé sur le site de la concertation. Marine Saint-Denis, Docteur en Écotoxicologie, a présenté des éléments sur des études toxicologiques liés aux enjeux sanitaires des sites de traitement des déchets. Les résultats de la bibliographie des études scientifiques suivantes ont été présentés lors de cet atelier : 

  • Exposition de la population moyenne française aux dioxines furannes : données issues de l’étude AFSSA/ANSES 1999 – 2005- 2010,
  • Imprégnation de la population moyenne française aux dioxines furannes : données de l’étude nationale AFSSA/INVS/Santé publique France de 2009 et de l’étude ESTEBAN de Santé Publique France de 2021,
  • Étude épidémiologique de l’incidence des cancers AFSSA/INVS de 2009,
  • Étude d’imprégnation par les dioxines-furanes des populations vivant à proximité des incinérateurs AFSSA/INVS 2009.

L’évaluation des risques sanitaires prend également en compte les polluants émis par l’installation conformément à la réglementation et aux guides méthodologiques en vigueur au moment du dépôt du dossier de demande d’autorisation. Cette étude comprend une modélisation prédictive de la dispersion des fumées traitées et un calcul de risque est réalisé pour chaque molécule individuellement et par cumul pour l’ensemble des molécules agissant sur un même organe (se rapprochant de la notion de mélange évoqué dans la question). Ces évaluations des risques sanitaires intègrent des scénarios d’ingestion de produits (voir de terre) et d’inhalation de l’air par des habitants sur des périodes de 70 ans en considérant les rejets aux valeurs réglementaires maximisant les résultats. Les résultats de ces simulations complexes doivent bien évidement respecter tous les seuils de recommandation de l’OMS pour garantir la protection de la santé des usagers.

Concernant les mâchefers, la réglementation actuelle a été mise en place suite aux engagements du Grenelle visant à renforcer le cadre du recyclage des mâchefers et à apporter de nouvelles garanties d’acceptabilité environnementale. Elle s’appuie sur :

  • L’arrêté du 18 novembre 2011 relatif au recyclage en technique routière des MIDND, qui fixe les conditions dans lesquelles les mâchefers peuvent être recyclés en technique routière, ainsi qu’un guide d’application SETRA (Service d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements, aujourd’hui partie intégrante du CEREMA) dédié aux MIDND publié en octobre 2012, 
  • Un décret (Décret n°2011-767 du 28 juin 2011) et un arrêté (Arrêté du 25 juillet 2011) qui précisent les conditions dans lesquelles les mâchefers sont considérés comme non recyclables et peuvent donc être envoyés en ISDND sans payer de Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP). 

Ces textes s’appuient sur un guide SETRA dit « père » publié en mars 2011 sur l’Acceptabilité de matériaux alternatifs en technique routière. Dans ce guide est définie une démarche d’évaluation de l’acceptabilité environnementale de matériaux alternatifs élaborés à partir de déchets, quelle que soit leur origine, et destinés à être utilisés en technique routière.

L’arrêté du 18 novembre 2011 a renforcé les seuils d’acceptabilité et a introduit des contraintes supplémentaires à celles de la réglementation antérieure à savoir la circulaire du 9 mai 1994 (restriction des utilisations possibles, ajout de nouveaux paramètres à analyser et durcissement des seuils)

Chaque lot de mâchefers est soumis à l’étude du comportement à la lixiviation et à l’évaluation de la teneur intrinsèque en éléments polluants et compare les résultats obtenus avec les valeurs réglementaires. La teneur intrinsèque en éléments polluants (carbone organique total – COT, benzène, toluène, éthylbenzène et xylènes – BTEX, 7 congénères polychlorobiphényles – PCB, Hydrocarbures, hydrocarbures aromatiques polycycliques – HAP et dioxines et furanes) est évaluée sur la base des résultats d’une analyse en contenu total menée sur un échantillon représentatif du lot de mâchefer élaboré à caractériser. Le comportement à la lixiviation est évalué sur la base des résultats d’un essai de lixiviation mené conformément à la norme NF EN 12457-2 sur un échantillon représentatif du lot de mâchefer après maturation et avant mise en œuvre en sous-couche routière. Les paramètres analysés sont les suivants : arsenic, barym, cadmium, chrome, cuivre, mercure, molybdène, nickel, plomb, antimoine, sélénium, zinc, fluorures, chlorures et sulfates.